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Histoire d'une vie par Patrick Demeyer

Patrick DEMEYER et Léonard son petit-fils
Patrick DEMEYER et Léonard son petit-fils

À 76 ans, j'arrive à l'heure du bilan de ma vie, une vie passionnante. J'ai bénéficié d'opportunités et rencontré des gens merveilleux.

Avant que la mémoire me manque, j'ai commencé à écrire deux livres. Le premier sur ma vie personnelle et professionnelle et le deuxième sur ma vie au Sénégal. 

En particulier, j'ai créé un métier nouveau que j'explique ici. Mes parents croyaient que j'étais photographe. Pas du tout.

La table des matières détaillée fait déjà 12 pages. Aussi, avant d'entamer un labeur de plusieurs années, j'ai tracé ici une esquisse de ma vie à grands coups de pinceau et avec quelques coups de griffe.

Vous pouvez lire ici le début de ma biographie en cours de rédaction


Lire la suite: cliquer ci-dessous

1945 - La génération «huile de foie de morue»

À la fin de la guerre, mes parents Jeanne et Roger Demeyer habitaient le 14e arrondissement de Paris où je suis né en 1945. Nous nous sommes installés ensuite dans le 17e arrondissement près du parc Monceau où j'ai passé mon enfance et mon adolescence. 

L'après guerre a été difficile et les carences alimentaires étaient soignées avec de l'huile de foie de morue dont je garde un souvenir... amer. 
 
Mon père souvent absent ne s'est pas beaucoup occupé de mon frère et de moi et ma mère se débrouillait avec le peu d'argent qu'il lui donnait. Très timide et renfermé, mon enfance n'a pas été très heureuse. 
 

Une scolarité poussive au milieu des fous

J'ai fréquenté l'école communale de la rue Ampère. C'était le temps des encriers et des plumes sergent-major qui permettaient de faire des pleins et des déliés, le temps des taches sur les doigts et sur le tablier, de l'ardoise et du plumier. J'ai bu du lait plein de vitamines. En 1954, Pierre Mendès France, alors président du Conseil, a instauré le verre de lait quotidien pour les écoliers. Et il venait d'interdire le vin rouge dans les cantines aux moins de 14 ans.


Les instituteurs n'hésitaient pas à donner des gifles, des coups de règles sur les doigts, à tirer les oreilles où à les tordre, ou pire. Par exemple, j'ai vu un instituteur prendre un enfant
terrorisé sous les bras et l'accrocher par son tablier à un portemanteau. Le col s'est déchiré et l'enfant est tombé par terre. Ennuyé, l'instituteur a proféré des menaces pour qu'il me dise rien à ses parents.

J'ai passé le dernier examen d'entrée en sixième. Parmi les différentes épreuves, il y avait une explication de texte. "Qu'est-ce que l'abnégation?" A 10 ans, je ne savais pas. Ma mère m'a expliqué que c'était "le renoncement de soi". Ah? Et finalement, après un tollé sur cette question digne d'un bac philo, cet examen a été définitivement supprimé en novembre 1956.

1955 - Le lycée Carnot et ses dingues

Ma scolarité au lycée Carnot n'a pas été des plus brillantes mais je suis arrivé jusqu'au bac. Il faut bien dire qu'avec la génération baby-boom, nous étions souvent 50 à 55 élèves en classe, et que les profs n'avaient pas de temps pour s'occuper de chacun. Certains professeurs étaient bizarres pour le moins. Par exemple, monsieur Boucolon était un prof de Français qui détruisait les élèves. 

Je détestais les maths mais j'aimais le Français et à l'époque on donnait des prix. Je suis rentré dans sa classe ayant eu le premier prix deux ans de suite. Plein d'espoir au rendu de la première composition avec lui, j'attendis mon nom qui vint en dernier. "Monsieur Demeyer, vous aviez un prix l'année dernière, n'est-ce pas? Voilà. Vous êtes dernier avec un quart... 0,25.". Le trimestre suivant, il commença par moi: "Monsieur Demeyer, vous avez fait de grands progrès. Vous avez doublé votre note. Dernier avec un demi point." 

Un élève en début d'année a été convoqué au tableau. "Vous vous appelez bien Lacourt ? Oui monsieur. Votre frère a passé l'année à la porte, c'est bien ça? Oui Monsieur. Vous avez l'esprit de famille ? Oui monsieur. Alors dehors." Il a passé la moitié de l'année à la porte sans motif. L'année suivante, je retrouvais des notes normales en Français. Il n'était pas le seul dingue. Je ne m'étendrais pas sur M. Birebent prof de Sciences nat. Un jour, il a ramené des poumons de mouton et soufflait dedans pour les gonfler. Ils étaient crevés et une mousse rose s'en échappait avec un petit clapotis. Puis il continuait à nous parler, la figure tachée de sang. Comment pouvait-on laisser sans contrôle de tels individus auprès d'adolescents fragiles par définition?

Au fait, je n'ai pas eu mon premier bac; j'ai eu mon "Examen probatoire". Un ministre avait décidé qu'il fallait l’appeler ainsi. C'est redevenu le bac ensuite. Des fous je vous dis.

Et mon deuxième bac, je l'ai passé dans ce qu'on appelait une boîte à bac. Je raconterai ça dans le bouquin.


1962. Avant les islamistes, l'OAS

Sous de Gaulle, et surtout sous la IVe république, la politique n'était pas simple. Je ne la détaille pas ici, mais je rappelle seulement qu'avec la fin de l'Algérie française, des militaires rebelles ont créé des milices OAS qui semaient la terreur, l'Organisation Armée Secrète.

Un soir de 1962, j'avais emprunté la rue Viette. Deux cents mètres plus loin, je tournais à droite dans l'avenue de Villiers quand une gigantesque explosion me secoua. 

Je retournais sur mes pas et je vis des voitures renversées dont une qui flambait, des débris de verre partout, une femme en robe de chambre qui tenait dans les bras son chien les pattes en l'air. Ses pattes s'agitaient comme s'il courait dans le vide. Peu à peu la rue se remplissait de monde. Toutes les vitres de notre appartement étaient pulvérisées et les rideaux en lambeaux. Ma mère avait été légèrement blessée. Des copains me rejoignirent et on riait de toutes cette agitation. 

C'étaient "Les Editions sociales" qui étaient visées. Pendant des années, après avoir pris conscience de la situation, je me suis réveillé avec l'angoisse de cet attentat auquel j'avais échappé. Je me suis souvenu bien plus tard avoir vu deux hommes en gabardine beige et chapeau qui se parlaient le dos tourné vers une porte cochère. Je pense maintenant qu'ils ont du attendre avant de déclencher le détonateur.


Des loisirs enrichissants

Je figure sur cette pochette de disque

Plutôt que de réviser mes leçons, je préférais m’occuper de photographie, d'électronique et de haute-fidélité qui était balbutiante. J'étais devenu un expert et cela m'a servi pour mon futur métier. Quel métier? A l'époque je ne savais pas. Mes parents me serinaient la même ritournelle: "Tu perds ton temps avec tes revues sur la hifi. Passe ton bac et on verra après". J'ai vu. Les équations du second degré ne m'ont jamais servi à rien.

De 10 ans à 18 ans, j’ai fait partie des Petits chanteurs de Saint-François-de-Sales qui m'ont initié à la musique, de Guillaume de Machaut à Olivier Messiaen. La musique est devenue une passion. 

Ils m'ont aussi donné le goût des voyages grâce aux tournées européennes de concerts. De l'Espagne à la Suède, de l'Allemagne à la Grèce, je découvris les cultures, les traditions, les monuments et les gens. Nous étions très souvent hébergés chez l'habitant, une expérience humaine qui nous menait du château lombard à la chaumière rhénane.

Mon premier voyage à 10 ans en Angleterre m'a aussi permis de découvrir de la cuisine qui n'était pas celle de maman. J'ai été étonné par cette curiosité gastronomique britannique qu'est la Jelly, ce dessert jaune chimique, semi-transparent, en gélatine, sans goût identifiable, qui tremblait au moindre mouvement de la table. Quant aux sandwiches aux haricots blancs... Voyager était une découverte permanente qui nous intriguait. Par exemple, à la réception chez le Lord-maire de Brighton, un de mes camarades lui a demandé: "Est-ce que les chiens anglais parlent anglais?".

Plus tard, j'ai beaucoup voyagé pour mon travail. Je prenais les vols d'Air Inter deux fois par semaine comme d'autres prennent le bus. Et à ma retraite, disposant enfin de temps libre, j'ai pu satisfaire mon envie d'aller voir les merveilles du monde comme les temples d'Angkor ou la Grande muraille de Chine. Je connais toute la France et j'ai visité plus de 40 pays du monde entier.

1966 - L'école des Beaux-Arts


J'ai réussi à échapper au service militaire et je suis rentré à l'Ecole  Nationale Supérieure des Beaux-Arts en architecture (ENSBA) dans l'atelier Baudoin en 1966. C'est l'architecte de la tour Montparnasse en 1956. Après, on a interdit les tours dans Paris et on a créé en 1958 La Défense pour cela.

Non, je n'y suis pas

La vie d'étudiant aux Beaux-arts était particulière. C'était en gros, une école où l'on formait des autodidactes. Les amphithéâtres exiguës ne pouvait contenir qu'un quart des élèves. Ceux qui n'avaient pas pu rentrer finissaient souvent devant un verre de vin au café Malafosse. C'était surtout les anciens qui dispensaient leur savoir aux admissionistes. 

Un jour, assez fier d'une station service que j'avais presque terminée, un ancien regarda attentivement mon chef d'œuvre. Il prit son Bic et dessina ici et là pour m'expliquer mes erreurs et mes "chameaux". Atteré, je lui dis "Mais tu es fou, c'est un Bic ! Il faut que je recommence tout! C'est pour demain". Il me répondit : "C'est parfait. Tu dois aussi apprendre à travailler dans l'urgence". Il m'est arrivé de travailler plus de 48h d'affilée.

Il faut bien le dire les conditions de travail dans ces locaux étaient épouvantables. Et pour combler les carences scolaires, il fallait bien apprendre tout seul ou avec des copains.

Le défoulement indispensable pour tenir le coup

Le défoulement était nécessaire

Il y avait aussi les bizutages et les fêtes insensées organisées par la Grande masse (amicale des élèves). Le Bal des 4 Z'arts ou bien les repas d'ateliers étaient un summum de délire. 

Je me souviens qu'après un repas dans un restaurant chic du côté de Versailles, nous avons franchi en pleine nuit le mur du très sélect Couvent des Oiseaux. Pour cela, les anciens avaient prévu un camion à plateau et une échelle double. Certains s'étaient déguisé en prêtre en soutane noire ou en scout avec short et foulard. Puis nous avons semé la panique parmi les jeunes filles de bonne famille brutalement réveillées, sortant du lit en chemise de nuit un peu hagardes. Bon d'accord, elles ont aussi été un peu papouillées (un peu). 
 
Les concours difficiles qui se succédaient pour avoir des points et le couperet d'un horaire strict maintenaient une tension permanente. Si tous les travaux d'élèves venant d'un atelier extérieur à l'école sur une charrette arrivaient avec deux minutes de retard, à cause d'un seul, tous les travaux étaient refusés. Le concours "américain" consistait à enfermer seuls dans une "loge" pendant 3 jours et 3 nuits des élèves qui devaient concevoir et dessiner un projet complet. Pour évacuer cette anxiété semi-permanente, les étudiants avaient un grand besoin de se défouler, et cela créait en plus une camaraderie dans le rire, une solidarité forte et durable. Parfois, des excès menaient à des accidents mortels. Je donnerais plus de détails dans mon livre.

Mai 68, ma révolution personnelle

J'ai été admissioniste pendant deux ans, c'est-à-dire que je préparais le concours d'admission qui nous permettait de poursuivre sur les quatre ans supplémentaires d'étude avant le diplôme. Puis Mai 68 est arrivé qui a tout mis par terre. Les élèves des Beaux-Arts qui travaillaient dans des conditions déplorables sans jamais obtenir "de là haut" des réponse à leurs demandes ont beaucoup contribué à cette révolte.

Les ateliers d'architecture tenus par des grands patrons mandarins ont été fusionnés en six unités pédagogiques (UP). Je me suis retrouvé à UP1. D'un côté il y avait les élèves, de l'autre les professeurs, le tout dans des locaux totalement inadaptés qu'on nous avait attribués quai Malaquais. Je faisais partie avec quelques élèves du conseil de gestion paritaire avec les enseignants. Ceci m’a permis de prendre beaucoup d'initiatives pour reconstruire l’école et les enseignements.


L'atelier d'imprimerie
En particulier, j'ai fait équiper les salles de cours de chaises avec écritoire, de sono et de rétroprojecteur, ce qui paraît maintenant ridicule, mais il n'y avait à l'époque que des tabourets de dessin pour travailler et prendre des notes sur ses genoux. 

J'ai fait équiper UP1 d'un laboratoire photo pour les maquettes et travaux d'élèves, d'un studio vidéo pour filmer les cours repassés le soir aux étudiants salariés, d'un centre de documentation avec une documentaliste, d'une bibliothèque spécialisée, et d'une imprimerie offset complète pour éditer les polycopiés avec deux conducteurs de machine. J'étais sidéré : simple élève membre du conseil de gestion, j'ai obtenu tout ce que j'ai demandé à la Direction générale de l'école, des dépenses qui se chiffraient en millions à l'époque. Quel contraste avec avant 68 où l'on manquait de tout.

1970 - Directeur de ma propre école


Lorsque le Secrétaire général de l’UP1 a donné sa démission (un Sciences Po complètement perdu dans ce milieu spécial), le conseil de gestion paritaire m'a demandé de le remplacer. J'avais déjà fait preuve d'efficacité. C'était formidable pour moi, car j'avais un travail qui m'intéressait beaucoup et j'étais bien payé, l'équivalent de trois fois le SMIC. Plus besoin d'être pion de cantine ni pompiste de nuit, des métiers où j'ai vécu plein de choses. J’ai fait engager du personnel pour compléter tous les services que j'avais mis en place. Une douzaine de personnes.

Les conditions de travail étaient épouvantables

Tous les nouveaux professeurs venaient d'ateliers différents regroupés en une seule UP (unité pédagogique). Beaucoup étaient des inconnus pour les élèves. Armé de mes nouveaux pouvoirs, j'ai osé faire une enquête. J'ai voulu connaître le programme d'enseignement de chaque professeur et le nombre d'heures qu'ils avaient contractuellement à faire. Il y a des professeurs qui traitaient des mêmes matières, et d'autres qui faisait le tiers de leur contrat.

Ce ne fut pas très simple de faire respecter le temps de travail par chacun ou de mettre d'accord les professeurs-doublons. Mais à la fin, les élèves savaient dans quelle salle trouver leurs professeurs, avec quel programme, et avec des polycopiés gratuits.

De nouvelles disciplines comme la sémiologie graphique

La sémiologie graphique
était toute nouvelle

Pour apprendre à manier un appareil photo et faire des tirages, j'ai embauché un assistant. Il n'y avait pas Google, aussi, une documentaliste apprenait à faire des recherches. J'ai demandé à ce que l'on apprenne à gérer une entreprise et à savoir lire une comptabilité. Un architecte est aussi un chef d'entreprise.
 
J'ai aussi fait embaucher Mme Champetier pour enseigner la Sémiologie graphique, un tout nouveau concept visuel inventé par l'ingénieur Jacques Bertin en 1967. C'est un ensemble standardisé de règles graphiques et de logiques sémantiques inhérentes à la représentation graphique et cartographique. 

Aujourd'hui, c'est devenu normal...
Un exemple simple: regardez le graphique à droite. On voit tout de suite la gradation des prix grâce à la gradation des couleurs. Avant, on utilisait de jolies couleurs n'importe comment sans ce soucis de logique visuelle.

La fin des caciques

Tout ceci était fait après décision du Conseil de gestion et comme il était paritaire, 50/50, il suffisait d'un seul prof pour emporter les décisions. Les étudiants me soutenaient. C'était vraiment la fin des caciques.

C'est ainsi que mai 68 a débridé mon sens de l'initiative et de décision. J'ai pris aussi confiance en moi-même et réussi à maîtriser ma timidité. Lorsque le Directeur est parti, je l'ai même remplacé par intérim pendant trois mois. Aujourd'hui, la plupart des structures que j'ai créées ont persisté ou même, comme l’imprimerie, ont été récupérés pour l'ensemble des unités pédagogiques de l'école.

Victor, nettoyeur de Nikita
Lorsqu'il est arrivé, le nouveau directeur provisoire Jean-Pierre Hémy a fait mettre au pilon tous les compte-rendus des conseils de gestion et il ne reste aucune trace de ce qui s'est passé entre mai 68 et son arrivée. 

Il était du PSU, mais il n'a pas aimé du tout la cogestion à la soixante-huitarde. Il a récupéré une école en état de marche sans savoir comment cela s'était passé. 

Il a fait du nettoyage à UP1 comme il l'a fait ensuite dans les écoles d'architecture de Toulouse et de Paris-Bellevile. Probablement sur ordre du gouvernement car il était nommé par décret (voir le J.O.)

Oui, je lui en veux de m'avoir effacé.

Des petits boulots d'étudiant... utiles pour ma retraite

Déjà, à 15 ans, j'ai travaillé pour gagner un peu d'argent de poche (équivalent à 300 € 2020). Ma feuille de paye surprendrait aujourd'hui: c'était une bande de papier avec trois lignes de comptes. Maintenant, c'est deux pages avec 46% de prélèvements. J'étais grouillot chez un avoué pendant un mois de vacances en 1960. Quand je n'étais pas dans le métro, j'ai appris à taper à la machine avec mes dix doigts assez vite et à l'aveugle. Une secrétaire m'avait apporté sa vieille méthode Pigier. Ça me fut très utile toute ma vie. 

Plus tard, au début de mes études d'archi, je me suis fâché avec mon père et il m'a dit :"Si ça ne te plait pas, tu prends la porte". Ce que je fis. Il m'a rendu un grand service: j'ai été obligé de me débrouiller seul. J'ai trouvé un petit logement dans le quartier latin (quelle chance), je suis devenu surveillant de cantine et pion au Lycée Carnot. J'ai travaillé comme dessinateur dans des agences d'archi et j'ai travaillé longtemps comme pompiste près de la Porte de Versailles. 

Coluche pompiste dans "Tchao, Pantin"
C'était les nuits de samedi à dimanche et les mois d'été. Je travaillais 12 heures par jour ou par nuit (20h/8h) et il y avait une demi heure de comptes à faire avant et après. Une heure trente de transport et treize heures de boulot sans week-end. Je crois que ce ne serait plus très légal maintenant... C'était mal payé mais il y avait les pourboires. 

En contact avec le public et la rue, il m'est arrivé plein d'aventures, allant de l'obsédé sexuel qui a passé une nuit à me raconter ce qu'il avait vu ou fait en Algérie, jusqu'au braquage à main armée par un type qu'on a retrouvé plus tard. A la police, j'ai eu du mal à le reconnaître tant il avait été amoché par ceux qui l'ont fait coffrer. Et j'ai aussi découvert la police des commissariats. Deux flics un peu éméchés sont venus faire le constat la nuit. Ils voulaient absolument que je sois coupable en m'interrogeant avec finesse: "Allez, avoue le que c'est toi que t'a fait le coup. Où que t'as planqué le fric?". Heureusement que j'avais un témoin.

Puis j'ai été salarié par l’École des Beaux Arts avant de m'envoler vers la vie active. Vous savez quoi? Tous ces petits boulots cumulés m'ont été comptés pour près de dix ans de salariat pour ma retraite. Un mois était compté pour un trimestre. Et j'ai pu partir à la retraite à 61 ans car l'âge de départ à été légalisé à 60 ans au lieu de 65. Oui, on ne s'en souvient plus. C'était 65 ans.
 

1970 - L'école d'architecture de La Défense

Jacques Kalisz était l'un des enseignants moteur de l'UP1. Il prônait une architecture modulaire basée sur une trame fixe. Lorsque j'étais Secrétaire général, il est venu me voir à mon bureau. Il m'a expliqué qu'il avait été contacté par le ministère de la Culture pour réaliser une antenne de l'UP1 à La Défense. 

Le chantier de l'école d'architecture en 1972 avec encore des pavillons à démolir

La Défense... en réalité elle était prévue au milieu de terrains vagues à Nanterre, là où il y avait les bidonvilles. Le RER existait mais il y en avait 3 par heure dans le meilleur des cas.  

«Oui, tu comprends, avec tous les chantiers voisins, c'est formidable pour des étudiants en archi. Bon. Alors voilà. Tu connais bien l'école, les besoins des étudiants, comment ça se passe, tout ça. Je voudrais que tu me fasses le programme du projet. Bien sûr, tu n'en parles à personne. C'est pas encore décidé

Je me mis à la tâche, et je lui rendis un document de six pages dactylographiées décrivant l'ensemble des salles, des équipements, en allant assez loin dans le détail. Une école sur mesure intégrant toutes les évolutions technologiques futures dont un studio photo, une salle de projection et des salles individuelles pour magnétoscope et pour les futurs "computers" dont on parlait dans la revue Bytes. Les calculettes Hewlett-Packard HP-35 à microprocesseurs commençaient à remplacer nos règles à calcul et il ne fallait pas manquer cette révolution qui s'annonçait. L'ordinateur individuel Micral allait être lancé. Moi, j'ai eu mon premier ordinateur en 1978. Un Zenith américain.

Son projet accepté et le chantier commencé, il fut présenté aux élèves. Ce fut un tollé général. Personne ne voulait quitter le quartier Latin et tous ses avantages. UP1 ne s'y installa pas. C'est UP3 qui y alla. Comme il ne fallait rien dire à personne, personne ne sait que c'est moi qui ai conçu le programme de cette école. Kalisz ne m'en a jamais reparlé. 

Je l'ai visitée seul lorsqu'il y avait des élèves, et j'ai constaté qu'elle était totalement conforme à mon programme, une école ouverte sur le parc avec même les surélévations destinées à abriter des expositions et espaces de rencontres avec les habitants mais qui n'ont jamais servi pour ça. Une idée utopique née de mai 68.

Le parc A. Malraux vu depuis chez moi (Nanterre Préfecture). À gauche l'école. A droite Le Liberté

Malgré l'échec avec UP1, la démonstration technologique de l'architecture modulaire fut appréciée par les responsables du ministère. On lui confia la réalisation de la moitié des immeubles du quartier du Parc, les MH (moyenne hauteur) en forme de gradins. Jacques m'a signalé la construction prochaine du Central Parc avec des crédits PSI assez bas (pour l'époque). En 1980, j'ai acheté sur plan un appartement au 12e étage que j'ai pu modifier à mon goût grâce à lui. Et lui s'est réalisé au dernier étage un magnifique duplex avec grandes terrasses et un salon de 70 m2. Voici donc comment je me suis retrouvé habitant à Nanterre, zone B de La Défense. 
 
Puis l'école abandonnée en 2003 était en train de pourrir malgré des associations qui voulaient préserver ce patrimoine. Et finalement, cette école va être remise en état (janvier 2021). J'espère que le nouveau lieu prendra le nom de Jacques Kalisz car lui le communiste a été traité comme un traitre par les municipalités communistes qui se sont succédées pour avoir travaillé avec le diable, à savoir L'Epad.

Voir ici l'article


L'école sera réhabilités un demi-siècle après sa naissance

1965 - Pionnier dans la musique électro-acoustique

Parallèlement à mes études d'architecture et à mon travail d'administrateur de UP1, je m'intéressais beaucoup à la musique  contemporaine et d’avant-garde et j'ai composé des œuvres de musique concrète et électroacoustique. Il y a un demi-siècle, peu de gens considéraient que c'était de la musique car il n'y avait pas de partition pour instruments.

Studio de Pierre Henry. Aujourd'hui,
un seul ordinateur
permet de tout faire
La musique concrète était incarnée à l'époque par Pierre Henry et Pierre Schaeffer. Pierre Henry avait (hasard) son studio à 200 m de chez moi, mais il était très indépendant et ne souhaitait pas avoir de stagiaire. On a discuté musique et technique. Il m'a donné quelques appareils qui ne lui servaient plus. C'est tout.

Là aussi, mai 68 est passé avec une plus grande ouverture d’esprit des institutions. Une classe de musique électro-acoustique a été créée par Pierre Schaeffer au Conservatoire national de musique de Paris qui, comme son nom l'indique, était très conservateur. Il faut dire que ce polytechnicien avait déjà une certaine aura et quelques amis bien placés.  


1969 - Conservatoire de Paris et GRM

Le GRM

J’ai été admis et j’ai suivi les cours de Pierre Schaeffer pendant deux ans. En même temps, j'ai été accepté au GRM, le groupe de recherche musicale de l'ORTF où j'ai passé deux ans également à manipuler enfin des machines qui valaient des fortunes et me faisait rêver. Deux ans plus tard, c'est Jean-Michel Jarre qui a suivi le même cursus. J'ai composé dans leur studio un morceau appelé "Alinéa II" qui a été présenté au festival d'Avignon dans le cadre d'un concert du GRM de l'ORTF.

Le groupe de recherche était plus "musique concrète" que "électronique" et la doctrine était un peu rigide. Des stagiaires du GRM et moi nous avons créé et équipé avec nos petits moyens un studio indépendant dans le quartier latin, le STENPHEX le "Studio d'enregistrement et de phonologie expérimentale". 

J'ai composé des musiques de ballets comme "Norme" de Serge Keuten qui est passé au VIe Festival d’Avignon en 1970 dans un spectacle des Jeunes chorégraphe de l'opéra de Paris. J'étais au Palais de la Méditerranée (le casino) en 1977 à Nice avec "Orbe" pour une pièce de théâtre musical qui avait lieu au moment où Agnès Le Roux la fille de la propriétaire du casino a mystérieusement disparue. 

J'ai été primé plusieurs fois par exemple pour la bande-son avec « des bruits étranges » d'un dessin animé de Paul Dopff (La chute) au Festival de Cannes (voir). J'ai obtenu avec deux acolytes un premier prix pour une œuvre lumineuse et sonore interactive à la VIe Biennale d'Art moderne de Paris en 1969 avec en plus le prix de la Fondation Theodoron de Chicago (Guggenheim). Le principe de cette œuvre a été repris bien plus tard par Jean-Michel Jarre avec ses harpes de lumière. 

La société de production Trinacra Film (la série des films "Emmanuelle") a voulu m'embaucher avec un très joli salaire pour ses bandes son et musicales. Pour une bandes-son de publicité (Bref citro-puissant), j'étais payé à l'époque l'équivalent de 1100 € pour 8 secondes de musique.

J'étais bien parti pour commencer une carrière, mais finalement j'ai renoncé. Dans ce milieu, on embauche et on jette les gens comme des Kleenex. De toutes manières le destin m'avait préparé une autre voie.

1972 - Les balbutiements de la communication institutionnelle


En effet, j'ai "inventé" la communication institutionnelle, spécialité dans laquelle j'ai été propulsé sans m'en rendre compte, alors que j'étais encore étudiant aux Beaux-Arts. Un nouveau métier. J'étais le premier et je fus longtemps le seul.

Chirac, Lucotte, Pasqua à Autun

En 1972, Francis Quénard, architecte et enseignant à UP1 m'a dit: « Marcel Lucotte, le sénateur maire de la ville d’Autun m'a demandé de faire une exposition d’urbanisme. Toi qui t'y connais en photographie, tu ne pourrais pas me mettre un peu d'audiovisuel là-dedans ? ».  Le but de l'exposition dans cette ville de 17.000 habitants étaient d'expliquer les projets de trois urbanistes et de demander leur avis aux habitants. Cette notion de concertation, de participation active des habitants était toute nouvelle.

Entre autres, dans cette exposition j'ai conçu et réalisé un audiovisuel en fondu-enchaîné de diapositives qui fonctionnait un peu comme un dessin animé. C'était tout nouveau. Il expliquait très simplement les enjeux, les problèmes et les solutions proposées par les trois projets de développement de la ville.
 
Matériel de fondu-enchaîné
En 1972, le matériel  de fondu enchaîné Kinédia était tout nouveau et tombait souvent en panne. Une fois, nous sommes allé à Autun avec Quénard pour retrouver le maire furieux. Nous sommes allé voir l'installation... et j'ai rebranché la prise électrique du système qu'une femme de ménage avait oublié de rebrancher. Pour une fois, ce n'était pas le Kinédia. A cause des problèmes, je revenais si souvent voir Eric Gillet, l'inventeur, que nous sommes devenus amis... Et c'est ainsi que sa fille Béatrice et moi, nous nous sommes mis en couple. Nous avons fait un enfant en 1976, Jérôme, mon fils unique. Nous nous sommes séparé en 1978.
 
Une sacrée galère ces débuts, mais une belle aventure. En effet, cette exposition a été inaugurée par Jacques Duhamel ministre de la culture à l’époque (1971/73). Elle a été prolongée plusieurs fois et visitée par des sommités. Puis devant le succès populaire de cette démarche, l'exposition a été remontée à Paris à l'hôtel de Sully dans le Marais. Pour montrer aux parisiens ce que la province savait faire… alors que cette exposition provinciale avait été entièrement conçue par des parisiens…
 

1974 - Le début de la vie active des Ateliers Média


L'Hôtel de Sully dans le Marais
Inaugurée cette fois par Christian Bonnet le ministre de l’équipement en 1973, celui-ci a signalé à sa chargée de communication qu'il avait vu un audiovisuel particulièrement intéressant. C'est ainsi qu'Anne-Marie Bachy me demanda un rendez-vous. Elle me dit qu'ils avaient beaucoup de demandes de communication spécialisée en architecture ou en urbanisme, du type de ce que je venais de faire. Et que personne ne savait faire ça. Les publicistes ne comprenaient rien.
 
A-M Bachy
C'est ainsi qu’après une première expérience probante pour la ville nouvelle d'Evry, je me suis retrouvé avec un an de travail d'avance alors que j'étais en sixième année d'architecture à quelques mois de mon diplôme. Je ne l'ai jamais passé.
 
J'ai monté mon entreprise Les Ateliers Média en février 1974, j'ai acheté un local professionnel au centre artisanal de La Défense en 1978, j'ai embauché des assistants et je n'ai pas arrêté jusqu'à ma retraite. J'ai travaillé des années avec Anne-Marie Bachy à qui je dois cette nouvelle profession et une partie de ma carrière.
 

Ateliers Media, la première agence de communication

C'est ainsi que je suis devenu dirigeant d'entreprise, avec des employés à gérer, des clients à trouver, de la paperasse à traiter. Tout un univers d'équilibriste que je découvrais et que je ne détaille pas ici. 
 
Ces photos ci-dessous ont été prises à Versailles dans les locaux de Ecole et Cinéma dont j'étais le directeur. Oui, c'est encore un autre chapitre dont je ne parle pas ici non plus.
 
Les Ateliers Media en 1974

L'équipe des Ateliers Media en 1974.
Première exposition pour la Ville nouvelle d’Évry.
Les titres et textes ont été écrits par un peintre en lettre

Première exposition des Ateliers Media pour la ville nouvelle d'Evry

Il a fallu tout inventer

Mon guide de communication

Aujourd'hui, il existe des écoles, des universités consacrées à la communication. Mais à mon époque, Il a fallu tout inventer. Aussi bien une méthodologie d'analyse de communication en urbanisme, que les techniques de création de médias. Internet, l'informatique, l'impression numérique, n'existaient pas bien sûr. J'ai réalisé ma première exposition pour la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines avec l'aide d'un peintre en lettre, métier qui n'existe plus.

Je suis devenu consultant en communication pour le ministère de l’Équipement et le ministère de la Culture (en particulier pour les secteurs sauvegardés). J'intervenais auprès de nombreuses villes ou administrations régionales. 

Ayant défriché ce domaine nouveau et avec l'expérience acquise, j'ai écrit en 1988 un livre sur la Communication en urbanisme commandité par le ministère de l’équipement. J'organisais également des stages de formation. J'étais le tout premier. En 1974, j'ai demandé à l'INPI quelles sociétés utilisaient le mot "média" dans leur nom. Elles étaient deux. J'étais la troisième. Aujourd'hui, même les "Ateliers média" ne se comptent plus...

Ma méthode et mon triple métier

La méthode que j'avais mise au point consistait à répondre aux questions: "qui parle ? à qui ? pourquoi ? où ? et quand ?" avant de répondre à: "que dire? (le message) et comment le dire? (le moyen)" 

Rue piétonne de Mende (2014) Les commerçants étaient contre

Quand le problème est simple, on ne fait pas appel à un homme de communication. Aussi, je définis mon métier comme triple, à savoir:

  1. Avocat pour décortiquer, comprendre et défendre une cause, 
  2. Interprète, pour traduire un langage technique en langage simple,
  3. Écrivain public, pour transcrire le message avec des moyens technique non maîtrisés (audiovisuel, PAO, vidéo, Minitel, Internet…).

Pour lever les obstacles, il n'est pas toujours nécessaire d'utiliser des moyens techniques. Par exemple à Mende, des commerçants refusaient la création d’une rue piétonne. Ils ont rencontré des commerçants d'une ville voisine qui était contre avant et convaincus après… "Qui parle ? à qui ?" Pas de meilleur interlocuteur que des gens dans le même cas avec les mêmes préoccupations. Maintenant, les commerçants de Mende sont très contents (photo).

J'ai passé ma vie à apprendre

Pour parfaitement défendre une cause ou l'expliquer clairement, je dois constamment apprendre et comprendre. 

• Comprendre le sujet traité
Pourquoi et comment supprimer l'atrazine des pesticides agricoles qui polluent l'eau des nappes ? Ou comment appliquer le C.O.S. des zones Na des Plan d'Occupation des Sols communaux dans le cadre des SDAU? Des notions que j'ai dû ingurgiter.

• Apprendre les nouvelles technologies
Là aussi, j'ai passé du temps à être up-to-date, utilisant les tout premiers logiciels de mise en page (PAO) en 1986 avec Urba 2000 ou la programmation d'un serveur minitel.
Par exemple j'ai appris toutes les règles de la typographie. Savez-vous que l'on ne dit pas "un" mais "une" espace et qu'elle se divise en cadratins. Avant un ?, Il faut un quart de cadratin.

J'ai passé ma vie à apprendre toutes sortes de sujets et ce fut passionnant. Le comble pour un élève paresseux. Devenu expert, j'étais assez bien payé.

Les honneurs du magazine d'Apple
J'étais invité à des colloques, des séminaires. Le magazine d'Apple a parlé d'une de mes utilisations du Macintosh pour mon travail. Il s'agissait d'un logiciel qui pilotait automatiquement jusqu'à 56 projecteurs de diapositives branchés sur la prise RS232C d'un Mac... prévue pour une imprimante. (Le document a subi une inondation. Cliquez).

Coluche disait...

Je me suis rendu compte également qu'être autodidacte à l'ENSBA m'a été très utile. J'ai appris à apprendre. Ma passion pour la photo, l'image, le son, la musique, l'informatique et l'architecture, tout ceci s'est fondu en un métier nouveau que j'ai inventé à l'insu de mon plein gré et qui maintenant est devenu banal: la communication institutionnelle vers le grand public.

De plus, j'ai bénéficié de l'auto promotion, ce que Coluche appelle "La boule de neige qui fait tache d'huile". Un haut responsable de l'administration a une promotion et il me fait travailler dans son nouveau service. Mais l'ancien service me fait toujours travailler. Des gens qui ont apprécié mon travail me demandent de travailler pour eux. Et je n'ai jamais manqué de travail, même avec une forte concurrence à la fin de ma vie professionnelle en 2006.


1982 - Premier enseignant en communication à l'ENPC

J'ai conçu et réalisé un audiovisuel sur « l'Analyse de la Valeur appliquée au bâtiment» (un sujet difficile) pour un service du ministère de l'équipement. Jean Michel, son directeur, a été séduit par ma méthodologie d'analyse et les techniques de réalisation. C'est lui qui m'a demandé ensuite d'être enseignant en Techniques de Communication à la prestigieuse École Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC). J'y suis resté pendant six ans et j'y enseignais trois heures par semaine. 
 
J'ai monté le service audiovisuel et vidéo qui n'existait pas à l’époque. Au début, pour le besoin de mes cours, je transportais mon matériel professionnel rue des Saint Pères à chaque cours. Gros boulot. Puis, l'école acheta un peu de matériel. Puis Georges Fernant, le comptable de l'école qui s'intéressait à mon travail, m'a trouvé un petit logement désaffecté dans l'école. Il a été aménagé pour devenir un vrai studio. Puis l'ENPC embaucha deux assistants techniques.

La communication et la vidéo à l'ENPC

On m'adjoignit un professeur de sémiologie graphique, Jacques Odinot. Il n'a jamais enseigné cette discipline. Il était mon répéteur... Lorsque je disais à un étudiant: "Regarde cette diapositive. Elle est trop chargée, il faut maximum une phrase de deux lignes. Ce n'est pas un livre". Et Jacques répétait: "Ce n'est pas un livre. Il faut moins charger ta diapo. Il faut maximum une phrase de deux lignes". Au début, j'étais interloqué. Puis je me suis habitué. Je n'ai jamais compris quel était son rôle ici. Par contre, Georges qui a aujourd'hui 96 ans est devenu un ami. Il s'était mis à faire des audiovisuels pour ses loisirs.

Ateliers Media

Pour un Travail de fin d'études (diplôme) que j'ai réalisé en 1986 avec des élèves sur le Fluage du béton, j'ai trouvé dans les archives un dessin coloré d’un élève du XVIIIe siècle. Il représentait une structure de charpente étayant une digue maritime. Il m'a servi pour dessiner un  logo pour leur vidéo. (La vidéo est déposée à la Bibliothèque nationale). Je l'avais choisi car il était beau et il ressemblait beaucoup à celui des Ateliers Média.

Il a tellement plu que la direction de l'école des Ponts l’a récupéré pour elle sans rien me dire et ce dessin est toujours le logo officiel de l'école en 2021. Tout le monde a certainement oublié qui a trouvé et dessiné ce logo.

1984 - L'AESN et le début d'Internet

C’est à l'école des Ponts et chaussées que j'ai connu un enseignant, François Valiron, grand patron de la très riche Agence de l'eau Seine Normandie (AESN).

Ses étudiants et moi avons réalisé un audiovisuel sur « L'eau ou le sable il faut choisir ». En résumé, les graviers creusaient la terre pour récupérer le sable et le gravier, et ils mettaient à nu des nappes phréatiques qui se polluaient dépourvues de protection. L'eau facilement potabilisable ne l'était plus. Avec les élèves, nous avons cherché tous les arguments pour et contre, et nous avons construit la démonstration avec des chiffres issus de la revue du syndicat des graviers.

 
Fiche-résumé sur internet (cliquer)
Lorsque le colloque a eu lieu, des représentants des grosses sociétés de gravier comme Lafarge ont contesté les chiffres, mais les élèves avaient toutes les preuves issues de leur documentation sur la table. Convaincue, l’AESN (agence de l’eau Seine-Normandie) est devenue un gros client jusqu'à ma retraite.
En particulier, j'ai aidé à défendre les Zones humides et les ripisylves dont la disparition est aujourd'hui la cause principale des inondations. 

C'est avec l'AESN que j'ai inauguré mon premier site internet professionnel qui permettait de diffuser les résultats de leurs 150 à 200 études annuelles à travers le monde entier. Avant, ils faisaient imprimer ces études ce qui leur coûtait une fortune. C'était des études très techniques que j'étais chargé de résumer clairement en une page chacune (lisez le document à gauche...) C'était au tout début de l'Internet. Il faut que je retrouve la date.

1985 - Ma carrière africaine


Les ingénieurs X-Pont et les énarques dirigent la France. Ils sont également très recherchés à l'étranger. C'était le cas d’un de mes étudiants gabonais. Revenu au Gabon avec ses diplômes de Polytechnique et de l'ENPC, il est directement devenu directeur de cabinet du ministre de l'aménagement du territoire (Le ministre n'était pas technicien, c'était le frère du président Omar Bongo). Il m'a demandé de créer un audiovisuel pour expliquer les problèmes d'évacuation pluviale à Libreville. 

Au Zaïre en train de goûter de l'alcool de palmier (Sept. 1987)

Et c'est ainsi que j'ai commencé une carrière africaine. J'ai travaillé avec le Gabon bien sûr, le Maroc, le Rwanda avant le massacre, la Côte d’Ivoire sous Houphouët-Boigny, le Zaïre sous Mobutu… des expériences inoubliables et parfois hallucinantes.

Par exemple, j'ai fait un travail commandé par le ministre de l'aménagement du territoire de Côte d'Ivoire pour expliquer au président Houphouët-Boigny que son projet ne pouvait se faire comme il l’avait décidé. En face de la présidence, dans le quartier du Plateau aux immeubles d'avant-garde, il s'est aperçu que son avenue ne faisait que 70 m de large (comme les Champs-Élysée) alors que l'avenue Foch en faisait 120. Donc il a décidé d’élargir cette grande avenue à 120 m. 

Le projet du président aurait
provoqué beaucoup de destructions

Il s'agissait d'expliquer au président que l'on ne pouvait pas d'abord tout raser puis ensuite reconstruire. Par exemple la bibliothèque nationale offerte par le Canada venait d'être inaugurée au bord de cette avenue. Il fallait reculer ce bâtiment sur rails et donc d’abord faire le vide derrière. Deux château-d'eau alimentaient la moitié d'Abidjan, il fallait d'abord en reconstruire avant de les détruire, etc… 

Pour ce travail, j'avais besoin de faire des photos aériennes et l'hélicoptère de la présidence venait me chercher à l'hôtel Ivoire chaque matin pour mon reportage. Quand il a fallu présenter ce document sur trois écrans synchronisés, ce sont des amis disparus depuis longtemps qui sont venus installer le matériel. Quel hasard. Des anecdotes, j'en ai mille… 

On ne se rend pas compte ici du gigantisme du bâtiment
Au fait, je viens de vérifier: l'axe triomphal ne s'est pas fait et heureusement. Il ne s'agissait que de satisfaire une question d'ego et de mégalomanie, comme souvent en Afrique. 

Il s'est rattrapé en faisant bâtir la basilique de Yamoussoukro qui est une reproduction du Vatican en deux fois plus grand. Payée sur sa cassette personnelle...


1980 - La Mission des villes du Massif central

C'est là que j'ai connu Gérard de Senneville avec qui j'ai ensuite beaucoup travaillé. Sa mission avait ici pour but de revitaliser les villes du massif central qui en avait bien besoin. Un travail passionnant.

Au début, j'ai aidé à la rédaction des Cahiers du massif central qui résumaient le travail de son équipe. Ils sont disponibles à la Documentation française. Puis j'ai aidé à  mettre en œuvre des colloques. Puis je suis intervenu directement auprès de villes en détresse comme La Grand-Combe ou Ganges.
 

Le cas des HLM de Ganges pour comprendre mon travail

À Ganges, la municipalité avait acheté des îlots entiers dans le centre ancien de la ville historique avec comme but de les raser pour faire des HLM tout neuf. Ils étaient à l'abandon depuis 20 ans. Un architecte a convaincu le conseil municipal de ne pas raser mais de réhabiliter tout ces hôtels particuliers XVIIIe siècle en mauvais état pour les transformer en logements sociaux.  Le chantier était en cours, mais le problème (et on m'a appelé pour ça) c'est que aucun habitants n'en voulait. La mairie voulait faire une exposition de 30 panneaux dans les sous-sols de la mairie pour convaincre les habitants de venir y loger. Pourquoi trente panneaux ? Parce que le budget correspondait à leurs moyens. Pourquoi dans le sous-sol de la mairie ? Parce que le local était disponible et gratuit.

Je leur ai fait comprendre que les habitants indifférents ne feraient pas l'effort de venir voir cette exposition qui leur dirait sur des panneaux « ce sera beau, ce ne sera plus humide, ce sera confortable » dans les locaux de la mairie siège de l'autorité locale. Alors ? Et bien, la solution que j'ai proposée était simple et gratuite. 

Cours de la République à Ganges aujourd'hui. Imaginez la avec des HLM

En accord avec l'architecte et les entreprises, nous avons fait avancer les travaux d'une maison assez jolie qui donnait directement sur le Cours de la République (photo) et donc accessible au public hors du chantier. Cette maison a été meublée et décorée par les entreprises locales contre une publicité discrète. Sur les murs, des panneaux en forme de tableaux expliquaient le projet. Pour faire venir le public, les services sociaux, le CAUE et divers organismes ont tenu permanence. Bien mieux que des explications sur des panneaux, la réalité d'un appartement témoin HLM a fait son travail démonstrative. A l'époque, c'était une première.

Un premier ilot a été terminé. Devant la demande un deuxième ilot a été commencé, et en fin de compte l'opération a reçu le Palmarès national de l'habitat du ministère de l’équipement. Aujourd'hui, le centre-ville de Ganges se visite au grand plaisir des touristes. Ouf… Regardez sur la photo ce qui devait être rasé (cliquez).

1983 - La Mission interministérielle Urba 2000


Lorsque la gauche est arrivée au pouvoir, le premier ministre Pierre Mauroy a créé en 1983 une mission interministérielle pour la promotion des nouvelles technologies sur deux régions, le Nord-Pas-de-Calais bien sûr, et le Pays basque précurseur avec sa fibre optique. Gérard de Senneville avait été nommé à la tête de cette mission. Il faut bien avouer qu'il était plein de bonne volonté mais qu'il ne connaissait pas grand chose aux nouvelles technologies. 

Il y avait tout à faire. Nous avons débuté à deux, puis trois. Il a fallu trouver des locaux à Paris à Bayonne et à Lille, du personnel, des spécialistes, et se faire un nom. J'ai été chargé de la communication et la première opération était de changer ce nom car Urba faisait trop urbanisme ce qui n'était pas du tout l'objet de cette mission.

La société de communication choisie a proposé « Bonjour Futur ». C'est elle qui avait inventé le nom de Bison Futé. Ce nom n'a pas plu à la DATAR et à son patron, Bernard Attali, le frère jumeau de Jacques Attali. Le nom d’Urba 2000 est donc resté et nous nous sommes lancés dans l'aventure sur les deux régions pilotes. Les populations, les dirigeants politiques, les motivations étaient très différentes. En caricaturant, dans le nord on pensait "nous tous" et dans le sud "moi je". Je passais mon temps en train et en avion tout en travaillant pour d'autres clients.

Des technologies pas très au point

Je ne détaille pas plus, car ce serait très long. Les nouvelles technologies? Le Minitel venait de débuter, la carte à puce juste inventée par le Français Moreno et l'ordinateur français le plus avancé était le Goupil, une usine à gaz très chère et pleine de bugs... 

La carte Urba 2000 pour golfeurs
Aujourd'hui, nous avons tous plein de cartes à puce d'usage quotidien, mais la carte pour golfeurs "Green Puce" était une première il y a un tiers de siècle.

J'ai organisé pour Urba 2000 une grande exposition démonstrative à Lille au Salon Applica. Ce fut un demi succès. Difficile à trouver dans le salon, avec une couverture médiatique insuffisante, présentant des technologies dont le public ignorait l'intérêt, ce ne fut pas la foule du Salon agricole. C'était trop tôt.

Devant les craintes des populations et la réticence des professionnels (comme les médecins opposés à la carte à puce médicale), avec les problèmes d'une technologie française balbutiante, cette mission n'a pas été une réussite. Elle coûtait cher et les subventions se sont arrêtées en 1987. Et de Senneville est devenu le grand patron de l'EPAD à la Défense.

voir ici

1988 - L'EPAD et le quartier de La Défense 

C'est en septembre 1987 que Gérard de Senneville m'a téléphoné pour m'annoncer la nouvelle. Il allait être nommé au poste de Directeur Général de l'EPAD, un organisme public chargé de l'aménagement du quartier de La Défense. Architecte urbaniste, je me suis spécialisé depuis 1974 dans la communication institutionnelle. Cela fait déjà longtemps que nous travaillions ensemble sur divers projets comme La Mission des villes du Massif central ou La mission interministérielle Urba 2000 et nous étions devenus amis. Il devint effectivement DG du 19 décembre 1987 au 1er juin 1990.

Inauguration du Point Défense Info en 1991, avec au centre
la responsable du Service communication et moi debout à gauche

Pour rappel, j'avais acheté en 1974 un atelier au "Centre artisanal de La Défense" dans la zone B, à savoir, le quartier du Parc de Nanterre et je me suis ensuite installé en 1980 dans un appartement au Central Parc du côté du RER Nanterre préfecture. J'avais été élu de 1983 à 1989 à la mairie "de désunion de la gauche" et les deux quartiers de La Défense, je les connaissais bien car j'y vivais et j'y travaillais. Architecte et conseil en communication institutionnelle, je voyais ces deux quartiers sous tous les aspects.

Et justement, Gérard m'a demandé de visiter ensemble toute La Défense pour que je lui fasse connaître son nouveau domaine d'intervention. Il avait comme mission de fermer l'établissement public, créé en 1958 pour trente ans et devenu presque sans objet. Et 1988, c'était dans quelques mois. De ces visites détaillées, de nombreuses conclusions ont été tirées et une stratégie a commencé à se dessiner.

10 ans de communication sur La Défense avec l'EPAD


Tout d'abord, l'organisme qu'il allait diriger avaient des salariés démobilisés car l'EPAD allait disparaître. De nouveaux projets, des quartiers entiers et surtout la poursuite de l'Axe sur Nanterre ont permis de prolonger l'Epad qui existe toujours.
 
J'ai créé le Musée de La Défense
L'EPAD n'existait pas, gommé par les actions de communication efficaces du promoteur Christian Pellerin qui se résumait en une formule : "La Défense c'est moi. L'Epad? Connait pas." 
 
Un logo, des plaquettes, des expositions, un musée de La Défense, un Point Info Défense... j'ai initié ou réalisé de nombreuses actions de communication. Je suis fier d'avoir contribué à la concrétisation du projet Seine-Arche avec Gérard de Senneville (voir ici).

Enfin, ce quartier d'affaires (et d'habitations) était mal connu du grand public ou n'avait pas une très bonne réputation. Il y avait beaucoup de points de confort et d'usage à améliorer. Il fallait corriger tout cela. Ce qui fut fait, avec une signalétique, des améliorations des accès au quartier, la décoration des parkings, etc.

Mon travail auprès du directeur a provoqué deux choses. Tout d'abord, beaucoup de décisions et de réalisations que j'ai induites n'ont pas été reconnues comme venant de moi, et par ailleurs, certains membres jaloux du service communication ont passé leur temps à me mettre des batons dans les roues.


L'extension Seine-Arche sur Nanterre

Voir ici le site complet sur mon travail à la Défense

Mes autres publications sur La Défense


1981 - Mon engagement politique à la mairie de Nanterre

1983-1989 

Je suis en bas...

Ayant beaucoup fréquenté les élus dans leur ville à travailler sur des  problèmes passionnants, j'ai été tenté de passer de l'autre côté de la barrière. 

A Nanterre, les communistes  aux commandes depuis 43 ans vivaient dans leur monde en vase clos et les socialistes étaient des zozos sans envergure avec quelques beau-parleurs en langue de bois. En général, des syndicalistes professionnels comme André Cassou, un postier devenu responsable de section PS. Moi, seul rocardien de la section de Nanterre, j'étais moqué comme étant un "non politique" car je ne parlais pas assez de la lutte des classes. 

André Cassou, PS éternel copain du PC,
expert en langue de bois

Ce fut une déception que de découvrir tout ce petit monde étriqué et mesquin. Les communistes pratiquaient le système de la nomenklatura. Par exemple, pour acheter une jolie villa pas très cher dans le nouveau quartier bien situé des Damades, il fallait être un bon camarade. Si un quartier HLM commençait à pourrir, on relogeait les amis dans une opération neuve et on replâtrait l'autre en faisant des manifestations pour demander des subventions. Tout était de la faute de l'Etat ou des patrons.

Et les socialistes pensaient qu'il suffisait de distribuer des pensums illisibles dans les marchés pour convaincre les populations de leur bla-bla. Si des immigrés clandestins braquaient un bar-tabac, il ne fallait pas les renvoyer chez eux: les pauvres, c'est à cause de la lutte des classes. Ils pratiquaient ici la politique du coupe-coupe pour toutes les têtes qui dépassent ou qui font de l'ombre. Comme en haut. Michel Rocard en a été victime.

L'urbanisme, késaco ?

Avant les municipales de 1983, j'ai créé un groupe de travail avec quelques volontaires socialistes pour concevoir et proposer un programme de gestion pour la ville de Nanterre. Avant, discuter un accord de gestion PC-PS, c'était par exemple discuter du nombre de litres d'essence gratuits attribués à chaque maire-adjoint. 

1ère page des propositions
en urbanisme. Cliquez

Dans le bilan de la mandature communiste précédente, l'urbanisme n'était qu'une liste d'une demi-page d'acquisitions foncières de la ville. Des achats effectués pour raser les immeubles et pavillons et édifier des logements HLM que l'on pouvait attribuer à de "bons votants". On voit le niveau...  C'est vrai que l'adjoint à l'urbanisme communiste était un ouvrier métallo qui avait réussi son brevet élémentaire. Et à devenir maire-adjoint.

J'ai coordonné l'ensemble des propositions et j'ai rédigé toute la partie concernant l'urbanisme, ma spécialité. J'ai retrouvé une copie de travail de ce document. Malheureusement pour moi, une inondation l'a fortement abimé (cliquer pour lire cette introduction de la partie Urbanisme).

Contre toute attente, la majorité communiste a mis en œuvre tout notre programme pendant la mandature 1983/89.

Les communistes ont réalisé notre programme !

Par exemple, les élus communistes ont réalisé la restructuration du centre-ville et de ses espaces publics, une OPAH (opération programmée d'amélioration de l'habitat) avec l'aide de l'ANAH, la création pour ce faire d'une Société d'économie mixte d'urbanisme, la Semna, la réalisation d'un complexe de cinémas en cœur de ville (avec l'aide de Gérard de Senneville), d'une Maison de la culture et de la musique (photo), etc. Presque tout. Même les tables de ping-pong en béton en bas des immeubles HLM proposées par Y. Claquin.


La Maison de la Musique de Nanterre avec salle de 500 places
faisait partie du programme socialiste

 

Une grande frustration

Là aussi, j'ai laissé des traces visibles sur la ville mais pas connues. Les élus communistes inauguraient tout cela en grande pompe, mais les socialistes n'étaient même pas invités. D'ailleurs, cela n'avait aucune importance car André Cassou a caché ce programme qu'il n'a pas voulu diffuser... Il n'avait pas participé à ce travail dirigé par un rocardien. Il a juste donné notre document au PC lors des "négociations" sans en discuter le contenu qu'ils ne connaissait pas. Donc, personne ne sait que ces réalisations venaient de nous. Finalement, tant pis si nous sommes passés à la trappe car les réalisations ont bénéficié aux habitants.

Avant de devenir ministre des Finances, Michel Sapin (nouveau député des Hauts-de-Seine à Nanterre) m'a demandé d'être maire-adjoint pour la mandature suivante. Mais, étant séparé de Béatrice, j'ai récupéré mon fils Jérôme qui avait 10 ans et je n'avais plus le temps de m'occuper de la mairie. 

J'ai abandonné la politique qui me prenait énormément de temps et d'énergie. Je peux comparer la politique à une ampoule à incandescence: 90 % de pertes en chaleur et 10 % seulement de lumière.

Huit élus ont été tués. Je n'étais plus élu

Je n'étais plus élu lors de la tuerie de Nanterre en mars 2002 où j'ai eu des amis tués ou gravement blessés. Elle a été perpétrée par un homme exaspéré par le comportement autiste et partial des élus communistes et de la maire qui ne voulait pas l'écouter. Cela faisait 15 ans qu'il habitait dans le petit appartement de sa mère en attendant un logement social.

Aujourd'hui le maire s'appelle Patrick Jarry. Je l'ai connu alors qu'il était patron des jeunesses communistes, un petit roquet agressif au langage stéréotypé. Il est revenu de l'école des Ponts et chaussées transformé. Manager efficace et éclairé, il a quitté le parti communiste et sa gestion ouverte remporte tous les succès car il a été réélu plusieurs fois haut la main.

2003 - Le Sénégal : un piège à toubabs (blancs)

Manifestations en 2021 - Tout ce qui représente la France a été pillé et saccagé

J'ai vécu à temps partiel au Sénégal pendant 15 ans. Une expérience désastreuse qui m'a coûté un œil et donné beaucoup de désillusions. Un pays où j'ai découvert le mensonge, l'hypocrisie, l'arnaque, une corruption à tous les niveaux et le racisme anti-blanc derrière un sourire de façade. Ma naïveté a pris un sacré coup derrière la tête. D'ailleurs, les magasins Auchan et Carrefour ou les stations service Total qui ont été saccagés ou brûlés en 2021 démontrent la haine du Français ex-colonisateur.

J'ai décroché fin 2002 un séjour au club Filaos Nouvelles frontières au Sénégal au hasard d'une mise aux enchères de places disponibles en dernière minute. J'y ai passé les fêtes de fin d'année tout seul, venant de me séparer de Michèle ma compagne bretonne. Se baigner à Noël, un climat agréable, des gens adorables, une vie pas chère, tout ceci m'a convaincu de revenir chercher un terrain et de m'installer au Sénégal pour ma retraite. J'ai appris trop tard que tout ceci n'était qu'illusions.

Ma villa à Saly. Un paradis sur la photo, un enfer sur le terrain

Donc, je suis revenu à Saly pour chercher une maison ou un terrain. J'ai tout de suite été mis dans le bain. J'avais loué une maison pour un mois afin de chercher tranquillement ce terrain. J'ai commencé un décollement de rétine et j'ai été obligé de retourner en France pour me faire opérer en urgence. Apprenant cela, la propriétaire de la maison m'a cambriolé de nuit (j'ai assez de preuves) et je n'avais plus ni papier ni téléphone ni argent ni appareil photo ni rien. Sauf ce que j'avais dans ma chambre. La gendarmerie s'en foutait complètement et protégeait une Sénégalaise qui avait réussi à rouler un blanc.

Le temps de faire venir de l'argent, de me faire faire un passeport provisoire à Dakar, quatre jours se sont passés. J'ai été opéré cinq heures après mon retour en vol sanitaire. Trop tard. En un an, j'ai subi quatre opérations à mon œil gauche, mais finalement j'ai perdu la vue.

Pourquoi faire simple quand on peut tout compliquer  ?

Ma femme... pendant 6 mois.
Cette aventure a fini au tribunal

Malgré cela, je suis devenu toubab, "un blanc" en wolof. J'y suis retourné et j'ai trouvé un terrain au cœur de la station balnéaire de Saly où j'ai fais construire une maison de 200 m² avec un très beau jardin sur un terrain vague. Il était situé en face du golf international, pas très loin d'une belle plage. Finalement, c'est la seule maison que j'ai jamais conçue en tant qu'architecte.

Cette construction fut une entreprise épique. J'étais coincé entre les tracasseries d'une administration ubuesque et l'incompétence notoire des ouvriers sénégalais. Pensez donc : le plombier n'avait même pas l'eau courante chez lui. Pour installer une prise de courant, le maçon posait le carrelage, puis l'électricien cassait le carreau un peu au hasard pour retrouver les fils. Puis il bouchait le trou avec du plâtre. 

J'ai réussi à terminer ma maison le 1er avril 2004, tout seul avec quelques ouvriers que je surveillais, sans l'entreprise de construction qui a cherché à me rouler. Elle m'a fait un procès pour "rupture abusive de contrat". Procès qu'elle a perdu. Elle me doit toujours 13 millions de francs CFA de dommages intérêts.

Je détaillerai plus tard la vie infernale que j'ai vécu là-bas. En gros, j'ai passé mon temps à déjouer les tentatives de racket, les arnaques, l'incompétence des sénégalais, les filles qui me draguaient pour décrocher le jackpot. J'ai été volé en permanence par mes femmes de ménage et mes gardiens, cambriolé trois fois, marié une fois, j'ai eu deux accidents de moto, vécu trois procès au tribunal (que j'ai gagné malgré une justice corrompue). Etc, etc. 

J'ai fini par créer plusieurs sites Internet successifs et dénoncer pendant 12 ans tout ces problèmes. Mon but était d'avertir les naïfs comme moi, ce qui m'a valu pas mal d'inimitiés et de harcèlements. J'avais en moyenne plus d'un million de pages lues par an. J'ai été contraint de fermer les sites début 2017 pour éviter un procès, ce qui m'aurait obligé à lever mon anonymat.

J'ai fui ce pays qui ne me convenait pas


Damien a soif d'apprendre
Assez vite, j'ai voulu partir. J'ai réussi à vendre ma maison au bout de neuf années de mise en vente en agence sur place sans succès. Je l'ai vendue finalement en France à mon directeur de banque qui est Franco-Sénégalais. Et j'ai quitté avec soulagement ce pays de non-droit ou l'amitié n'existe pas. Les blancs ne sont que des porte-monnaie sur pattes pour donner de l'argent sans même un merci ("Toi qui nous a mis en esclavage, tu nous dois bien ça"). Moi?

Fatou, une de mes femmes de ménage, a eu un enfant illégitime avec un Sénégalais qui s'est enfui en Europe. Damien est adorable, très intelligent, ne se plaint jamais, curieux de tout, affectueux, bref, il a beaucoup de qualités. Je m'occupe de lui et de sa scolarité pour qu'il réussisse dans la vie. Il est maintenant dans une bonne école privée et ne va plus dans son école coranique. Très attachant, Damien aura 7 ans en 2021. Il m'apporte tout ce que mes trois petits-enfants de la même tranche d'âge ne me donnent pas. Ce n'est pas de leur faute. Je ne les vois presque jamais.

Fatou ne peut pas vivre sans téléphone

Malgré tout ce que je fais pour son fils et aussi pour elle, Fatou a trouvé le moyen de me voler mon téléphone lors de mon dernier séjour au Sénégal en 2020. Pourtant, je lui en avais apporté deux offerts par des amis (des renouvellements d'abonnement). Ni scrupules ni gratitude.

Tout ce qui s'est passé au Sénégal est tellement incroyable que je suis en train d'écrire un livre exprès sur ma vie là-bas. 

Extraits du site:


2011 - Installation à La Rochelle

J'ai habité à Nanterre sur le quartier du parc de 1980 à 2012. Nous étions de plus en plus ennuyés par les jeunes des cités HLM des Fontenelle, et cette partie de Nanterre La Défense devenait insécure. Odile, ma compagne corse de l'époque a eu un bras cassé en tombant lorsque des mômes lui ont arraché son sac. Et surtout, ce quartier était un perpétuel chantier bruyant et poussiéreux. 

La Rochelle a toujours été dans mon cœur. Très jolie ville moyenne à la qualité de vie reconnue, dotée d'un climat très ensoleillé, pas très loin de Paris Nantes et Bordeaux, elle présentait de nombreuses avantages.

J'ai cherché et trouvé en 2011 un appartement dans un hôtel particulier XVIIIe siècle, parfaitement situé près du Vieux-Port mais avec 3,80 m sous plafond, cet appartement ancien était inchauffable.

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgx_RMP6DvAgUhsHDr6OfJFg6s09CMJ_rkV_ugWrVUoWZxqqYrpbWHrCwh6JpNywagZBVR8sYrg490mfW56UivqrtV3OSFL2GWDVBLE0bryrExV-rv-13SKK3_1fnSEXAET8FdaPPb7ups/s620/canape%25CC%2581-dos+-+copie.jpg

Je me suis donc installé en 2017 dans un immeuble neuf, isolé RT2012 et silencieux, non loin de l'hyper centre dans le quartier de la Genette. Et l'architecte de cette résidence réalisée par Kauffman & Broad est Jean-Jacques Ory que j'ai connu à l'atelier Baudoin. Un grand gaillard qui aimait plaisanter. Il a monté une grosse agence en 1979. Le hasard...

Ensuite, j'ai trouvé une maison de campagne dans le Marais poitevin, un havre de paix au bord de la Sèvres niortaise. Et j'y suis parfaitement heureux. Adieu Paris et La Défense, les encombrements et la vignette Crit'Air.

Ma maison de campagne dans le Marais poitevin à 35 minutes de la Rochelle

 

Voyages autour du monde 1955/2020

Chaque pays est une aventure et une découverte à raconter.

Le Machu Picchu au Pérou à 2530 m

 

Les 43 pays que j'ai visités

J'ai rajouté la Corse, le département natal d'Odile, une de mes compagnes, car c'est vraiment un pays à part...

Allemagne
Angleterre
Andorre
Autriche
Belgique
Cambodge
Chine (presque tout le pays)
Congo Démocratique (Bas-Zaïre et Kinshasa)
Corse
Côte d’Ivoire (Abidjan et Yamoussoukro)
Danemark
Dubaï
Espagne
Égypte 
France (oui, j'en connais chaque recoin)
Gabon
Gambie
Guadeloupe
Grèce
Hollande
Hong Kong
Inde
Irlande
Israël
Italie (mais pas Venise...)
Jordanie
Luxembourg
Madagascar
Malte 
Maroc
Monaco
Népal
Pérou
Russie (URSS)
Sénégal
Suisse
Sicile
Suède
Tunisie
Turquie
USA (ouest et New York)
Le Vatican
Vietnam 
 

2029 - Décédé, aveugle ou gâteux

Exemple de sujet personnel
En 2029, dans huit ans, j'aurais 84 ans. il paraît qu'en moyenne un homme vit en France jusqu'à 79 ans. Aveugle d'un œil et avec une DMLA à l'autre, je deviens doucement aveugle.
 
C'est donc une course contre-la-montre que j'entreprends de manière à terminer ce travail. 
 
J'ai du boulot ! Car je dois aborder aussi plein d'autres sujets plus personnels.


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2 commentaires:

  1. Sacré parcours, Patrick ! J'en reste baba
    Biensur, c'est le paragraphe sur le Sénégal qui m'a le plus accroché
    Avec çà, Fatou (Damien mother) a réussi à te piquer ton téléphone ???
    Moi, les enfants se battaient pour porter ma sacoche avec mes papiers, mes lunettes, du fric dedans, etc... Ils ne m'ont jamais volé ! Il est vrai aussi que je leur achète ce qu'ils veulent et plus " Tonton Gilles => Supermarket (Casino)... Un guignol a essuyé de me piquer une paire de lunettes et il a pris une grosse branlée... Je me suis battu 3 fois à Saly, la 2ème : Des coups de poings dans la gueule à un ado pourtant costaud Adama qui tapait sa jeune cousine Ndeye parce qu'elle ne voulait pas aller à l'école coranique (le marabout l'a tripotée tout le temps)... La 3ème, encore ma propre Ndeye qui se fait frapper par sa tante avec un journal enroulé parce qu'elle voulait qu'elle balaie la maison, alors qu'elle était avec moi pour faire des photos avec tout un groupe d'enfants pour un jeu "canne-ballon" ou "hockey-foot" sur la plage..., J'ai tordu le bras de cette tante conne qui a pris une baffe dans la gueule et a fini les 4 pattes en l'air... Personne à broncher, aucun adulte présent, aucun enfant et j'ai interdit qu'on tape un enfant devant moi sinon je me barrais... J'ai interdit aussi qu'on tape la petite Mbayange (4-5 ans à l'époque), c'était le punching-ball, tout le monde la battait sous prétexte qu'elle était folle comme sa grand-mère ??? J'ai expliqué que Mbayange se comportait dans sa tête comme un garçon manqué (foot, bagarre avec les garçons, etc...) pour expliquer à ces cons, son comportement différent qu'on n'attend pas d'une jolie petite fille...
    Un tout plein de petits souvenirs croustillants comme dans ton livre qui sera passionnant... Longue vie à toi, Patrick !
    Cordialement
    G.R

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  2. Merci Gilles ! Ton commentaire est sympa. Oui, nos expériences au Sénégal furent souvent difficiles. C'est un pays adorablement détestable.

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